Un muscle de jambe, un arrondi de dos, un ventre, un pan de rocher. Cette matière résistante, harassante à « gratter », me permettait d’exprimer aussi bien le grain de l’épiderme que la rugosité du rocher et je passais du corps au minéral pour mieux les confondre en une seule identité…
François Béalu, Propos de graveur, Nouvelles de l’estampe, n°140, mai 1995
Terre, 1984. Eau-forte, aquatinte, pointe sèche 69,5 x 49 cm Edition Lacourière Frélaut (à droite)
Au terme d’une évolution qui menait Béalu vers un noir de plus en plus profond, vers une forme de plus en plus compacte vers une matière de plus en plus dense, le graveur en était arrivé à découper son cuivre autour de la partie gravée, de sorte que la figure se détachât du fond avec la netteté d’un bas-relief.
Emmanuel Pernoud, A la pointe du regard, François Béalu 1996
Mysia. 1979. Eau-forte, aquatinte, plaque découpée imprimée sur feuille 50 x 65 cm (à droite)
Jusqu’ici l’archéologie était restée descriptive, disséquant un objet qu’elle prétendait extérieur, dressant un constat d’autant plus aseptisé qu’il pénétrait plus avant dans la matière. Les Paysages archéologiques et les deux suites des Voyages aux mégalithes dissolvent cette pellicule fragile des certitudes analysées, comptées, mesurées, pesées, datées, protégées et incontestables, pour restituer à notre patrimoine la part de nous-mêmes qu’il recèle. Car si la science prétend nous révéler nos racines, elle feint d’ignorer que celles-ci puisent au plus profond de nous-mêmes. Tant il est vrai que le vestige archéologique est – aussi – une construction de notre imaginaire.
Pierre Gouletquer, préhistorien, Béalu, 1989
Retour aux mégalithes. 1983. Eau-forte, aquatinte, 5 plaques découpées imprimées et collées en frise de 57 x 297 cm (en bas)
La mer est nécessité … Le travail du graveur s’identifie au travail sans cesse répété, renouvelé, de la mer sur le rivage. Dans l’un et l’autre il y a l’eau – forte – qui attaque le grain d’aquatinte ou le grain du sable. Les mouvements alternatifs de la mer qui recouvrent et dénudent n’impriment sur le sol que des états successifs provisoires : ils délimitent un espace d’imagination où s’inscrivent des géographies incertaines, des sentes minérales, des écritures cristallisées des pierres-corps, une géologie mystérieuse.
François Béalu, De pierre et de pointe sèche, 1996
La pointe sèche apporte avec elle l’ampleur du geste et une nouvelle relation à la plaque de métal, griffée, balafrée avec une violence jubilatoire et libératrice… La ligne gravée par la pointe sèche sur le zinc y retrouve une indépendance, devient reine, se démultiplie, ligne de crête, ligne de faille, ligne d’horizon, ligne géologique, ligne de végétation.
Nathalie Gallisot, conservateur, musée des Beaux arts de Quimper, 2008
La pointe sèche apporte avec elle l’ampleur du geste et une nouvelle relation à la plaque de métal, griffée, balafrée avec une violence jubilatoire et libératrice… La ligne gravée par la pointe sèche sur le zinc y retrouve une indépendance, devient reine, se démultiplie, ligne de crête, ligne de faille, ligne d’horizon, ligne géologique, ligne de végétation.
Nathalie Gallisot, conservateur, musée des Beaux arts de Quimper, 2008
Le nouveau Béalu qui s’est fait jour vers la fin des années 80 a tourné son attention vers d’autres aspects de la nature opposés sur bien des points à ce qui le préoccupait auparavant : non pas ce qui fait masse, mais ce qui se disperse, non pas ce qui pèse mais ce qui flotte, non pas ce qui absorbe la lumière mais ce qui la distribue.
Emmanuel Pernoud, A la pointe du regard, François Béalu 1996
François Béalu introduit une géométrie dans la nature, il oppose une écriture du paysage et une forme détachée du fond, faisant dialoguer la texture d’un champ avec le rectangle de la parcelle. Il travaille sur les limites des territoires : chemins, champs, traces, il enherbe les espaces, il suspend les friches, il oppose les cultures domestiques et sauvages.
Sylvie Lawrence-Friedman
Des traces dans la grande friche. 1990. Pointe sèche 75,5 x 49 cm imprimée à bords perdus en haut et en bas (à droite)
C’est le retour au monumental, à l’ombre dressée sur la toile de lin qui diffuse le trait, qui contient l’infini foisonnement. Le drap utilisé tombe sans cadre, sa fibre rugueuse rend comme nulle autre cette intimité du débordement, sa puissance secrète, son élan vers le ciel.
Sylvie Lawrence-Friedman
La lumière du noir. 1993. Pointe sèche 149,5 x 89,5 cm (à droite)
Tirage de chacune : 1 épreuve unique sur Velin d’Arches + 3 sur toile de lin écrue 160 x 100 cm par Luc Guérin, atelier Lacourière-Frélaut
Ces arceaux rompus, ces murailles brisées donnent une architecture, une épine dorsale aux grands dessins.. Le dessin d’une frondaison, la courbe d’une branche épousent la forme de l’ogive, la tige cannelée ou le bambou liment la solidité d’une colonnade. Architecture et végétation confondues, la légèreté et la fragilité y paraissent érigées en monuments.
Nathalie Galissot, Peau, pierre, paysage, François Béalu et le jeu des métamorphoses, 2008
Le vent des ogives, 1992. Lavis, aquarelle et brou de noix, 150 x 100 cm (à gauche)
Plus ou moins ouvert, empli ou à peine occupé, l’espace, la lumière, sont donnés par le blanc de la feuille de papier ou par une légèreté de lavis – grisés de l’encre de Chine diluée, bruns du brou de noix et bleus de gouache.
Gilles Plazy, Paysage du dessin, 2008